Une sensation insidieuse se tapie avec la plus grande discrétion tout au fond de l'être. Elle se love, s'incruste et s'insinue partout. Cachée derrière les autres , les très communes tristesse, impatience, envie, peur et désespoir, elle est arrivée sans fracas et sans autorisation. Alimentée de frustration et de dérision, elle prend une ampleur insoupçonnée. Elle ronge tout ce qu'elle effleure, effraye le sommeil pour s'imposer en maître. Elle est enfin identifiée et nommée. Colère sourde et muette, elle est pourtant retentissante. Elle répercute une vibration qui va crescendo et n'ignore aucune parcelle de l'être. Elle est le fruit d'événements et de sentiments qui s'entrechoquent en désordre. Elle est l'expression d'un trop plein d'émotions, le cri muet d'une rage rare. C'est une révolte violente, un hurlement de refus d'une fatalité idiote. Elle n'a pas de cible précise. C'est le rejet têtu des absurdités d'autrui. C'est l'agacement mêlé d'incompréhension et de peur face à la violence débile d'une communauté aveugle et décérébrée qui attaque au hasard alors qu'on commence a peine à trouver un rythme. C'est une émotion sale et inutile qui ronge l'âme comme une gangrène. Elle plombe la lassitude. Elle fait grincer le quotidien. Elle déforme les émotions. Elle souille les perceptions. Elle vole la sérénité pour altérer l'équilibre. Elle choque l'harmonie avec l'intention manifeste de la faire voler en éclat. Elle alimente les conflits et les interrogations tout en s'en nourrissant. Elle laisse ce qui reste totalement épuisé, vidé de sa substance.
Natacha Joëts Tous droits @ réservés.